Diversification des exportations de gaz naturel turkmène
Le gaz naturel, l’une des principales ressources du Turkménistan, est en forte demande dans de nombreuses parties du monde qui, pour nombre d’entre elles, ne sont pas pour le moment accessibles à l’exportation ou seulement partiellement. La Chine est le premier client du Turkménistan en la matière et la principale voie de transport, le gazoduc Asie centrale-Chine, dont trois lignes – A, B, et C – fonctionnent à pleine capacité, doit être complétée d’une quatrième – D – au stade de projet.
Le Turkménistan fournit également du gaz à d’autres clients frontaliers comme la Russie et l’Iran, mais aussi, à travers la mer Caspienne, vers l’Azerbaïdjan et l’Europe. Le problème est que les quantités exportées vers ces pays sont réduites : la Russie et l’Iran sont eux-mêmes producteurs et leurs importations de gaz turkmène représentent des volumes d’appoint ; quant aux exportations à travers la Caspienne, elles sont limitées par la dimension de la flotte de méthaniers.
L’une des priorités du gouvernement turkmène, depuis des années, est de diversifier les routes de transport qui lui permettraient d’écouler une plus grande part de son potentiel d’exportation. Le gazoduc TAPI (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde), en construction, assurera au pays l’écoulement de son « or bleu » vers le sous-continent indien et, au-delà, vers le Sud-Est asiatique.
Cependant, de nouvelles perspectives et possibilités sont apparues pendant la dernière période. Pour commencer, les capacités d’exportations vers la RPC ne seront pas épuisées, même après la construction de la ligne D du gazoduc Asie centrale-Chine. En effet, pour Pékin, l’approvisionnement du pays en gaz naturel constitue la partie la plus importante de la partie énergétique du projet « Une ceinture, une route » (One Belt, One Road) mis en œuvre par le gouvernement chinois. La demande annuelle de la Chine en gaz devrait atteindre 600 milliards de mètres cubes en 2040. Cela fera de la Chine le deuxième plus grand marché du monde après les États-Unis et la plus grande source de croissance de la demande mondiale de gaz naturel. Même si Pékin se fournit en GPL auprès de nombreux pays, dont l’Australie, le Qatar et l’Afrique du Nord, le Turkménistan occupe une place de choix sur le marché chinois de l’énergie car le gaz arrive en flux continu par voie terrestre. Avec la mise en service de la ligne D, le Turkménistan vise à augmenter le volume de ses exportations vers la Chine à 65 milliards de mètres cubes par an, contre 35 milliards aujourd’hui. Et les possibilités de construire de nouveaux pipelines à l’horizon de 2030 ou 2035 sont à l’étude.
En plus de voies de transport vers l’est, le Turkménistan vise également à augmenter vers l’ouest ses capacités d’exportation de gaz naturel. Deux routes s’offrent au pays : par la mer Caspienne ou par l’Iran. L’optimisation du transport à travers la mer requiert la construction d’un gazoduc transcaspien qui relierait la côte turkmène à la hauteur du port de Türkmenbaşy à Bakou en Azerbaïdjan et, de là, à la Turquie et à l’Europe. Le gaz turkmène est au centre de la stratégie de diversification de l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne depuis près d’une décennie. Le gazoduc transcaspien constituera une partie essentielle du réseau destiné à transporter le gaz naturel turkmène vers l’Europe. Il devrait être relié au gazoduc du Caucase du Sud, puis aux gazoducs TANAP et TAP qui se connectent à l’Union européenne.
L’autre route d’accès à l’Azerbaïdjan et à l’Europe passe par le territoire iranien. Cependant, pour des raisons géopolitiques plus que techniques, la construction d’un gazoduc est une matière délicate qui ne peut se résoudre dans l’état actuel de la situation. Une solution partielle, qui complète le transport du gaz par méthaniers à travers de la Caspienne, consiste en des accords d’échange de gaz entre le Turkménistan, l’Iran et l’Azerbaïdjan. Un accord tripartite en ce sens a été signé le 28 novembre 2021 à Achgabat, en marge du 15e Sommet de l’Organisation de coopération économique. Le principe est simple : le Turkménistan fournit à l’Iran une certaine quantité de gaz et l’Iran, qui est également producteur, transfère une quantité équivalente à l’Azerbaïdjan. En vertu de l’accord, ces échanges portent jusqu’à 2 milliards de mètres cubes de gaz. Sa mise en œuvre de l’accord a commencé le 1er janvier dernier. Des pourparlers sont en cours pour augmenter ces échanges entre les trois pays.