Rôle du Turkménistan dans la préparation de la reconstruction économique de l’Afghanistan
Depuis son indépendance, en 1991, le Turkménistan a été l’un des principaux partenaires économiques de l’Afghanistan et lui a fourni des aides de différents types, notamment par la fourniture d’électricité et d’hydrocarbures, mais aussi en termes d’infrastructures. Le mois de janvier 2021 a vu se concrétiser la mise en place d’un corridor de fourniture d’énergie et de communications par fibre optique le long du tracé du gazoduc TAPI, destiné à relier le Turkménistan à l’Inde, via l’Afghanistan et le Pakistan, apportant le gaz turkmène à ces trois pays.
Le 14 janvier, l’inauguration de trois réalisations importantes à la frontière turkméno-afghane – une voie de chemin de fer, une ligne de communication internationale par fibre optique, et une ligne de transport d’électricité (voir notre précédent article) – a marqué nouveau pas dans le désenclavement économique de l’Afghanistan en ouvrant au pays de nouvelles perspectives économiques.
Lors d’un briefing tenu au MAE du Turkménistan, le 16 janvier, le vice-président du Cabinet et ministre des Affaires étrangères Rachid Meredov a brossé un tableau détaillé du soutien à long terme que son pays apporte à l’Afghanistan. Selon les experts du site d’information CentralAsia.news, les réponses du vice-président aux questions qui lui ont été posées par les représentants des médias s’articulent selon une logique qui va plus loin que les simples questions d’aide conjoncturelle.
La diplomatie turkmène part du principe que la paix en Afghanistan est sans doute réalisable dans un avenir prévisible. Mais la vraie question est : comment faire pour la rendre durable et solide ? Et la réponse est que cela dépend, en grande partie, du degré de préparation de Kaboul pour sa relance économique.
En effet, lorsqu’elle sera établie, la paix sera fragile. Pour prospérer, l’Afghanistan aura besoin d'infrastructures capables de stimuler l'activité économique. Les éléments essentiels pour une paix durable comprennent l'énergie, les communications et les installations et infrastructures de transport, trois chapitres sur lesquels Achgabat assure apporter des réponses concrètes.
Rachid Meredov a décrit les projets en cours comme de véritables étapes visant à impliquer systématiquement l'Afghanistan dans les processus économiques régionaux et internationaux. Il s’agit d’intégrer ce pays dans le système continental de logistique et de transport. Il a souligné que, du point de vue de son importance économique et géopolitique, la construction d'infrastructures au Turkménistan et en Afghanistan transcende les frontières régionales et signifie la formation d'une nouvelle ceinture de transports, de communications et d'énergie dépassant les territoires turkmène et afghan pour relier l'Asie centrale et du Sud à l'Europe et au Moyen-Orient.
Cette démarche s’inscrit d’ailleurs dans le cadre des initiatives internationales du Turkménistan dans le domaine du développement durable dans le secteur des transports et de l’énergie que le pays propose dans le cadre des agences des Nations unies. Il s’agit notamment de la construction du gazoduc TAPI, mais aussi de la mise en place du corridor de transport Lapis-Lazuli le long la route Afghanistan-Turkménistan-Azerbaïdjan-Géorgie-Turquie.
Mais, par-delà les objectifs larges qui gouvernent la politique internationale d’Achgabat, le vice-président Meredov a confirmé la ferme adhésion du Turkménistan à la fourniture d'un soutien politique, diplomatique et économique global à Kaboul. Il s’agit là d’une stratégie d'État à long terme qui s’appuie sur les traditions historiques d'amitié et de bon voisinage des deux peuples et la prise de conscience de l’importance de l’Afghanistan pour la stabilité et la sécurité régionales et continentales. Cette stratégie se fonde aussi sur l'assurance que le peuple afghan et ses dirigeants ont la capacité de surmonter les difficultés existantes et de parvenir à la paix et à l'harmonie dans le pays en favorisant sa prospérité économique.
Avec 744 kilomètres de frontière commune avec l’Afghanistan, le Turkménistan a évidemment un puissant intérêt à voir s’établir la paix sur le territoire de son voisin. L’instabilité et les luttes persistantes entre des groupes afghans, souvent islamistes, ont fait craindre d’éventuelles « infiltrations » dans le territoire turkmène et Achgabat a toujours répondu avec détermination chaque fois qu’elles ont manqué de se produire. Pour le gouvernement turkmène, les ententes, surtout si elles sont fondées sur des intérêts économiques partagés, valent toujours mieux que les affrontements. Cela explique qu’il cherche depuis plusieurs années à faire naître un accord entre les forces en présence autour de la réalisation des projets d’infrastructure qu’il soutient, notamment du gazoduc TAPI, et qui ne manqueront pas de bénéficier à l’ensemble du peuple afghan. Cela explique aussi la réception, le 6 février dernier, d’une délégation des talibans au ministère des Affaires étrangères turkmène.
D’une manière plus large, Rachid Meredov a inscrit cette politique dans le contexte de la coopération du Turkménistan avec les organisations internationales : les institutions spécialisées des Nations unies et l’Union européenne, mais aussi l'Organisation de coopération économique (OCE), l'Union économique eurasienne, l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et la Communauté des États indépendants (CEI). À cet égard, il a souligné que les projets d'infrastructure bilatéraux turkméno-afghans devraient être considérés comme faisant partie de plans plus globaux sur la création d'un espace géoéconomique unissant les États de la région et visant à former un système intégré de coopération continentale en Eurasie.